Ultractivité et modifications contractuelles : commentaire de l'Ordonnance n° 9136 de 2024

L'Ordonnance n° 9136 du 5 avril 2024, rendue par la Cour de Cassation, représente une intervention jurisprudentielle importante en matière de droit du travail et de conventions collectives. Dans cet arrêt, les juges ont dû faire face à la question de la succession entre les conventions collectives et des modifications défavorables apportées aux droits des travailleurs. Nous analyserons les implications de cette décision, qui offre des pistes de réflexion tant pour les employeurs que pour les travailleurs eux-mêmes.

Le contexte juridique de l'ultractivité

La question centrale de cette ordonnance concerne le principe d'ultractivité des conventions collectives. L'article 2077 du Code Civil établit que, en cas de succession entre conventions collectives, les modifications défavorables ne sont admissibles que sous des limites spécifiques. Cela signifie que, bien qu'une convention antérieure puisse être remplacée par une nouvelle, les droits déjà acquis par les travailleurs ne peuvent être touchés sans justifications valables.

Détails de l'Ordonnance et implications pratiques

Dans le cas spécifique, la Cour a exclu la violation de l'art. 2077 c.c. en relation avec un accord syndical d'entreprise. Cet accord, bien qu'opérant un réaménagement du système de rémunération et regroupant certaines indemnités dans de nouvelles rémunérations, a respecté les droits salariaux des travailleurs. En particulier, il a été reconnu la faculté du travailleur de renoncer à des traitements économiques individuels, à condition qu'ils ne concernent pas des droits indérogeables établis par la loi ou par des conventions collectives antérieures.

  • Le travailleur peut renoncer à des droits économiques individuels, mais seulement sous certaines conditions.
  • Les dispositions des conventions collectives agissent comme des sources hétérogènes, influençant les droits individuels.
  • Les modifications défavorables sont admissibles, mais ne doivent pas porter atteinte aux droits déjà acquis.
ULTRACTIVITÉ - SUCCESSION DE CONTRATS Modifications défavorables de dispositions antérieures - Admissibilité - Fondement - Accord syndical d'entreprise modifiant un accord précédent - Violation de l’art. 2077 c.c. et des droits salariaux du travailleur - Exclusion - Faits. Dans l'hypothèse de succession entre conventions collectives, les modifications défavorables pour le travailleur sont admissibles avec la seule limite des droits acquis, sans qu'un droit dérivant d'une norme collective annulée ou remplacée par une autre ultérieure puisse être considéré comme définitivement acquis, car les dispositions des conventions collectives agissent de l'extérieur comme source d'hétéronomie de réglementation concurrente avec la source individuelle, tout en maintenant la faculté pour le travailleur de renoncer valablement à un traitement économique individuel qui ne concerne pas l'application de dispositions indérogeables établies par la loi ou par des conventions collectives, ni des droits indisponibles ex art. 2113 c.c. (Dans le cas présent, la S.C. a exclu la violation de l'art. 2077 c.c. et des droits salariaux du travailleur par un accord syndical d'entreprise qui, en opérant un réaménagement global du système de rémunération, a regroupé certaines indemnités accessoires d'origine collective en deux nouvelles rémunérations conditionnées à la présence en service, subordonnant leur reconnaissance, pour les employés titulaires de super-minimum convenu par accord individuel, au choix de renoncer à cela par un accord signé conformément à l'art. 2113, dernier alinéa, c.c.).

Conclusions

En résumé, l'Ordonnance n° 9136 de 2024 offre une clarification importante sur la gestion des modifications contractuelles dans le domaine du travail. L'arrêt réaffirme que, bien que les modifications défavorables soient admissibles, les droits déjà acquis par les travailleurs doivent toujours être protégés. Cet équilibre est fondamental pour garantir la justice sociale et la protection des droits des travailleurs dans un contexte de constante évolution normative.

Cabinet d’Avocats Bianucci