Arrêt Cass. pénale n° 15448/2025 : documents fiscaux étrangers et preuve pénale

Par la décision n° 15448 déposée le 17 avril 2025, la Cour de cassation se prononce à nouveau sur la question délicate de l'utilisabilité, en matière pénale, des données transmises par les autorités étrangères en matière fiscale conformément à la Convention de l'OCDE. L'arrêt, annulant sans renvoi l'arrêt de la Cour d'appel de Milan, établit un point de référence pour les avocats, les opérateurs économiques et les autorités d'enquête, désireux de comprendre quand et comment ces documents peuvent être intégrés dans le procès pénal italien.

L'affaire judiciaire et le principe affirmé

Dans le cas d'espèce, l'accusé M. C. avait été condamné pour omission de déclaration suite à l'acquisition, par la Guardia di Finanza, de rapports fiscaux reçus de l'administration d'un autre pays de l'UE. La défense invoquait l'inutilisabilité, soutenant la nécessité d'une commission rogatoire conformément à l'art. 729 du code de procédure pénale et l'interdiction du « forum shopping probatoire ». La Cassation, rappelant des précédents (n° 30068/2012, 6798/2016, 9083/2023), rejette l'exception et affirme que la coopération administrative de l'OCDE constitue un canal autonome suffisant pour surmonter ces limites.

En matière de coopération internationale, les informations et documents acquis à l'étranger et transmis aux autorités italiennes conformément à la Convention de l'OCDE, concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale, ratifiée par la loi du 10 février 2005, n° 19, telle que modifiée par le Protocole du 27 mai 2010, ratifié par la loi du 27 octobre 2011, n° 193, sont utilisables, en l'absence de commission rogatoire internationale, même sans autorisation préalable de la partie qui les a fournies, à condition que les principes généraux en matière de formation de la preuve contradictoire soient respectés, avec leur subsumption subséquente dans la catégorie des documents pouvant être acquis au dossier de l'audience conformément aux art. 234 et 234-bis du code de procédure pénale.

La Cour souligne que la preuve documentaire, pour être légitimement introduite, doit de toute façon respecter le contradictoire consacré par l'art. 111 de la Constitution et l'examen à l'audience conformément à l'art. 431 du code de procédure pénale ; ce n'est donc pas un « passe-partout » illimité.

Le cadre normatif de référence

Le raisonnement de la Cour suprême repose sur un enchevêtrement de normes nationales et internationales :

  • Convention de l'OCDE sur l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale (Loi 19/2005 et Loi 193/2011) ;
  • Art. 234 et 234-bis du code de procédure pénale : réglementation des documents et des données informatiques pouvant être acquis à l'audience ;
  • Art. 191 du code de procédure pénale : inutilisabilité des preuves acquises illégalement ;
  • Art. 729-bis du code de procédure pénale : coopération avec les autorités fiscales étrangères.

La Cour interprète ces dispositions de manière systémique : si l'accord international autorise l'échange d'informations « à des fins fiscales », rien n'empêche que celles-ci, une fois parvenues légitimement à l'autorité italienne, soient également utilisées dans le procès pénal, à condition que le juge en vérifie la fiabilité et offre aux parties la possibilité de les contester.

Implications pour les contribuables et la défense

Le principe énoncé a des retombées opérationnelles importantes :

  • Stratégie de défense : elle ne pourra plus se baser uniquement sur l'absence de commission rogatoire ; il faudra plutôt contester la provenance ou l'authenticité du document.
  • Charge de la preuve de l'accusation : bien que la preuve soit « documentaire », le Procureur devra garantir au juge l'accès aux informations concernant la formation de l'acte étranger.
  • Risques de double exposition : les mêmes données peuvent alimenter des contrôles fiscaux et pénaux, avec des répercussions possibles sur le principe ne bis in idem européen (CEDH, Grande Stevens).

Conclusions

L'arrêt n° 15448/2025 consolide l'orientation qui reconnaît une pleine dignité probatoire aux documents transmis par les canaux administratifs de l'OCDE, pourvu que leur entrée se fasse dans le respect des garanties du procès équitable. Pour les professionnels du droit pénal fiscal, cela signifie devoir accorder une attention maximale, à l'audience, non plus à la forme d'acquisition internationale, mais à la substance et à la vérifiabilité de la donnée. Dans cette optique, la coopération fiscale devient un instrument de plus en plus central dans la lutte contre les délits fiscaux, et la ligne de démarcation entre la phase administrative et pénale tend à s'estomper, imposant une approche défensive intégrée et rapide.

Cabinet d'Avocats Bianucci